En juillet 2025, une nouvelle loi agricole, portée par le sénateur Laurent Duplomb, a été adoptée dans un contexte où un constat fait assez largement consensus : le modèle agricole français ne permet plus à une grande majorité d’agriculteurs de vivre décemment de leur métier.
Parmi les problèmes souvent pointés du doigt :
- Une concurrence étrangère parfois déloyale, notamment en provenance de pays aux normes environnementales moins strictes ;
- Une rémunération insuffisante pour celles et ceux qui nous nourrissent (25% des agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté de 1015 €) ainsi que des problèmes liés à leur cotisation retraite ;
- Des procédures administratives complexes qui freinent l’action sur le terrain notamment pour l’installation (accès aux fonciers).
Les agriculteurs et agricultrices sont aussi en première ligne des enjeux environnementaux comme la dégradation des sols, la pollution des produits utilisés (maladies) et les aléas liés au réchauffement climatique, qui viennent encore davantage compliquer leur quotidien et impacter leur vie.
Ce que disent ses détracteurs
Pour ses opposants, cette loi ne répond pas aux véritables défis du monde agricole – rémunération, préservation du vivant, protection face à la concurrence déloyale, prise en compte des enjeux liés à l’adaptation au réchauffement climatique – mais favorise plutôt les très grandes exploitations, en particulier dans les filières industrielles comme la betterave, le porc ou la volaille.
Autre point soulevé : la manière dont la loi a été adoptée. Elle a été votée sans débat approfondi à l’Assemblée nationale, grâce à une procédure législative peu connue, la "motion de rejet préalable". En effet, les partisans de la loi ont eux-mêmes présenté et voté une motion de rejet préalable sur leur propre projet de loi. Cette manœuvre, bien que légale, a permis d’envoyer directement le texte en Commission Mixte Paritaire (CMP, ou 7 députés et 7 sénateurs. sont chargés de trouver un compromis). Sans passer par un débat contradictoire devant les députés. Car le vote d’une motion de rejet préalable sur le texte du Sénat à l’Assemblée nationale a acté un désaccord entre les députés et les sénateurs.
Les défenseurs de la loi justifient le vote de la motion de rejet préalable par le grand nombre d’amendements déposés (près de 3500). Néanmoins les députés auteurs d’amendements estiment que cela reflète une proposition de loi assez longue et portant sur des enjeux de société majeurs qui méritent d’être questionnés et discutés en profondeur. (@theo seygnerole)
Une pétition citoyenne qui fait parler d’elle
Le 10 juillet 2025, Éléonore Pattery, étudiante de 23 ans, a lancé une pétition sur le site officiel de l’Assemblée nationale. Elle décrit la loi comme "une menace pour la santé publique, la biodiversité et la cohérence de nos politiques climatiques".
Elle y demande :
- L’abrogation de la loi ;
- Une révision des conditions démocratiques de son adoption ;
- Et la consultation de l’ensemble des acteurs concernés : santé, agriculture, écologie, droit, citoyens.
En quelques semaines, la pétition a dépassé 2,1 millions de signatures, un chiffre jamais atteint sur une plateforme publique.
Le jeudi 7 aout - La décision du Conseil Constitutionnel
Le 7 aout le Conseil Constitutionnel a décidé de censurer l’article 2 de la loi Duplomb qui prévoyait la réintroduction de l’acétamipride (néonicotinoïde neurotoxique). La raison invoquée par le Conseil constitutionnel pour justifier cette censure est 𝗹𝗮 𝘃𝗶𝗼𝗹𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗱𝗲 𝗹𝗮 𝗖𝗵𝗮𝗿𝘁𝗲 𝗱𝗲 𝗹'𝗲𝗻𝘃𝗶𝗿𝗼𝗻𝗻𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗱𝗲 𝟮𝟬𝟬𝟰, notamment 𝘀𝗼𝗻 𝗽𝗿𝗶𝗻𝗰𝗶𝗽𝗲 𝗱𝗲 𝗽𝗿𝗲́𝗰𝗮𝘂𝘁𝗶𝗼𝗻.
Cependant le Conseil Constitutionnel n’a pas censuré le reste de la loi et notamment :
- l’installation facilité de mégabassine
- l’abaissement des normes qui vise à faciliter les très grands élevages (volaille, vaches)
- la mise sous tutelle de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail)
Lundi 12 Août - Emmanuel Macron promulgue la loi
A partir de cette promulgation, la seule façon d’annuler cette loi serait que les parlementaires votent une loi d’abrogation du texte.
Elle entre donc en vigueur à partir de sa promulgation hormis pour l’article concernant la ré-introduction de l’acétamipride.
🧠 Ce qu’il faut retenir
La loi Duplomb touche à des sujets complexes : production agricole, sécurité alimentaire, compétitivité économique, normes sanitaires, et transition écologique.
Elle fait débat, car elle privilégie un certain modèle agricole, celui de la production intensive, tout en soulevant des inquiétudes sur l’environnement et la santé.
La ré-introduction de l’acétamipridre a été censurée mais les autres éléments de la loi devraient rentrer en vigueur suite à la promulgation de la loi et ce malgré la demande signée par 2,1 millions de françaises et français.
Quelle que soit sa position, le plus important reste peut-être de bien comprendre les enjeux pour se faire sa propre opinion, et c’est que nous vous proposons ici.