2019
Environnement International (Publication Scientifique)
En février 2018, l'Autorité européenne de sécurité des aliments a conclu que « la plupart des usages des insecticides néonicotinoïdes représentent un risque pour les abeilles sauvages et les abeilles domestiques ». En 2016, le gouvernement français a adopté une loi interdisant l'utilisation des cinq néonicotinoïdes précédemment autorisés : clothianidine, imidaclopride, thiaméthoxame, acétamipride et thiaclopride. Dans le cadre d’une évaluation d’experts menée par l’Agence française de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail afin d’identifier d’éventuelles dérogations, nous avons réalisé une analyse approfondie des alternatives disponibles aux cinq néonicotinoïdes interdits. Pour chaque ravageur ciblé par l’utilisation des néonicotinoïdes, nous avons identifié les principales méthodes alternatives de lutte, que nous avons ensuite classées selon (i) leur efficacité pour contrôler le ravageur cible, (ii) leur applicabilité (utilisables directement par les agriculteurs ou nécessitant encore des recherches et développements), (iii) leur durabilité (risque de développement de résistances chez les ravageurs ciblés), et (iv) leur praticabilité (facilité de mise en œuvre par les agriculteurs). Nous avons identifié 152 usages autorisés de néonicotinoïdes en France, couvrant 120 cultures et 279 espèces (ou genres) d’insectes ravageurs. Une alternative efficace aux néonicotinoïdes était disponible dans 96 % des 2968 cas d’études analysés issus de la littérature (combinaisons uniques d’une méthode ou produit alternatif de lutte × une culture cible × un ravageur cible). L’alternative la plus courante aux néonicotinoïdes (89 % des cas) était l’utilisation d’un autre insecticide chimique (principalement des pyréthrinoïdes). Cependant, dans 78 % des cas, au moins une méthode alternative non chimique pouvait remplacer les néonicotinoïdes (par exemple des microorganismes, des semiochemicals ou des traitements de surface). La pertinence des alternatives non chimiques aux néonicotinoïdes dépend des habitudes alimentaires des ravageurs. Les insectes se nourrissant des feuilles et des fleurs sont plus faciles à contrôler avec des méthodes non chimiques, tandis que les insectes se nourrissant du bois et des racines sont plus difficiles à gérer par ces méthodes. Nous avons également constaté que de nombreuses méthodes non chimiques prometteuses nécessitaient encore des études de terrain avant d’être mises en œuvre de façon courante par les agriculteurs. Nos résultats, transmis aux décideurs, indiquent que des alternatives non chimiques aux néonicotinoïdes existent. De plus, ils soulignent la nécessité de promouvoir ces méthodes via la réglementation et le financement, dans le but de réduire l’usage des pesticides en agriculture.